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“Sans le public, l’oeuvre est incomplète”

Inter­view de Sophie van der Ste­gen, dra­ma­turge et met­teuse en scène de la Cie Arti­choke

Dans vos créa­tions, vous insis­tez sur l’importance du public comme acteur du spec­tacle vivant. Pour­quoi est-ce si essen­tiel pour vous ?

Sophie van der Ste­gen : La magie du spec­tacle vivant réside dans cette inter­ac­tion. Toute oeuvre d’art existe grâce au des­ti­na­taire (que ce soit un film ou un livre), certes, mais il me semble qu’un spec­tacle ne prend réel­le­ment vie que lorsqu’il est par­ta­gé avec un public. J’i­rais même plus loin : sans le public, l’œuvre est esthé­ti­que­ment incom­plète. Le public ne se contente pas de rece­voir : il par­ti­cipe, il influence, il co-crée par ses réac­tions, son éner­gie, son enga­ge­ment dans le spec­tacle.

Vous par­lez d’un rôle par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant du jeune public. En quoi leur pré­sence change-t-elle la dyna­mique d’un spec­tacle ?

Sophie van der Ste­gen : Le jeune public a cette spon­ta­néi­té, cette capa­ci­té à réagir sans filtre, qui en fait un véri­table par­te­naire du spec­tacle. Contrai­re­ment aux adultes, sou­vent plus réser­vés, les enfants s’impliquent natu­rel­le­ment. Ils rient, inter­pellent, com­mentent… Ils com­plètent l’œuvre en y appor­tant leur éner­gie et leur ima­gi­naire. Dans un spec­tacle par­ti­ci­pa­tif, leur enga­ge­ment est encore plus mar­qué : ils ne sont pas seule­ment spec­ta­teurs, ils deviennent acteurs de l’histoire, par­fois même sans s’en rendre compte. On les encou­rage à prendre cette place d’ac­teurs dans l’oeuvre.

Cette inter­ac­tion avec le public implique une grande part d’imprévisible. Com­ment les artistes se pré­parent-ils à cela ?

Sophie van der Ste­gen : C’est pré­ci­sé­ment ce qui fait la richesse du spec­tacle vivant. Chaque repré­sen­ta­tion est unique, non seule­ment parce que les inter­prètes varient dans leur jeu, mais aus­si parce que le public change à chaque fois. Il peut être plus réac­tif, plus réser­vé, plus bruyant… Que l’on soit avant le repas, ou après le goû­ter (le sucre!) ou après la sieste, etc, ça change l’at­mo­sphère, immé­dia­te­ment. J’ai consta­té que les repré­sen­ta­tions en mati­née sont tou­jours plus recueillies que celles en après-midi, par exemple. Tout cela modi­fie la manière dont le spec­tacle est per­çu et vécu. L’artiste doit donc apprendre à com­po­ser avec cette part d’inconnu, à être à l’écoute du public, à ajus­ter son jeu en fonc­tion de l’énergie de la salle. C’est une pré­pa­ra­tion qui demande une grande sou­plesse et une réelle accep­ta­tion du lâcher-prise.

Vous évo­quez aus­si la réti­cence de cer­tains musi­ciens à lais­ser une place active au public. Pour­quoi, selon vous ?

Sophie van der Ste­gen : Beau­coup d’artistes, notam­ment dans le domaine de la musique clas­sique, sont habi­tués à une pos­ture où le public écoute en silence, sans inter­ac­tion directe. L’idée que les spec­ta­teurs puissent être une com­po­sante active de l’œuvre peut sem­bler désta­bi­li­sante. Pour­tant, même dans un concert de musique “adulte”, l’échange est là : le public vibre, il envoie une éner­gie qui modi­fie l’atmosphère, la per­cep­tion du moment. Accep­ter cette dimen­sion inter­ac­tive, c’est enri­chir l’expérience artis­tique et redon­ner au spec­tacle vivant toute sa puis­sance.

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